Le virus du libéralisme
par Denis COLLIN
Carlos Javier Bianco — qui signe Carlos X. Bianco — est un philosophe espagnol, un de ces penseurs qui se sont mis à « l’école de Marx » pour reprendre l’expression de Costanzo Preve, tout en refusant les dogmes marxistes officiels.
Il a d’abord mis ses pas dans ceux de Gustavo Bueno, un philosophe « marxiste » qui a développé la doctrine du « matérialisme philosophique » puis s’est tourné vers la réhabilitation de la nation espagnole en réhabilitant son histoire. Carlos X. Bianco a suivi à certains égards un chemin analogue et il s’est, lui aussi, intéressé de très près à cette histoire de l’hispanité et notamment aux débuts de la « reconquista ». Il s’est également tourné vers Spengler (l’auteur célèbre du Déclin de l’Occident). Il mène une intense activité éditoriale notamment à travers la maison d’édition Letras inquietas, et il a fait un gros effort de traduction pour mettre à portée du public hispanophone le travail de Costanzo Preve, Diego Fusaro… ou de Denis Collin. C’est sans doute de Diego Fusaro qu’il est le plus proche.
Il publie ces jours-ci en français, aux éditions La Nivelle, Le virus du libéralisme. « Un virus déferle sur le monde et sur l’Europe » affirme ce petit livre qui montre que le mot « libéralisme » est un mot trompeur : le libéralisme et la liberté ne font pas bon ménage, en réalité. Le libéralisme est le triomphe de l’ordre marchand, du « fétichisme de la marchandise » (Marx), il défait toutes les relations personnelles pour leur substituer l’abstraction de la marchandise qui substitue aux rapports entre les humains des rapports entre les choses, camouflant sous l’apparence de l’égalité la domination des possesseurs de capital sur ceux qui ne peuvent que vendre leur force de travail.
Carlos X. Bianco souligne l’importance de la pornographie comme expression la plus envahissante du virus du libéralisme. Il rappelle les images pornographiques des sévices subis par les prisonniers de la prison américaine d’Abou Graib. Il montre aussi à quel point le trafic des corps, principalement le corps de femmes s’inscrit dans ce capitalisme sans limites, ce « capitalisme absolu » dont parle aussi Fusaro.
L’auteur nous donne ainsi les linéaments d’une critique marxienne du « progressisme » en tant qu’idéologie du capital à notre époque, d’un capital qui s’est débarrassé de ses oripeaux protestants du début. Les capitalistes ont réussi à faire passer pour un progrès ce qui n’était que la liquidation de tous les obstacles à leur domination absolue. Comme d’autres auteurs l’ont déjà fait, Carlos X. Bianco rappelle que la communauté paysanne que l’on trouve un partout dans le monde (Blanco cite l’exemple des Asturies) n’est jamais condamnée par l’auteur du Capital, et pourrait bien plutôt donner l’architecture de la société future, en y intégrant les acquis des sciences et des techniques modernes. Que la gauche soit devenue la gauche du capital en prônant l’extension infinie du domaine du libéralisme, l’auteur le souligne sans ambiguïté. Il sera évidemment catalogué à « l’extrême droite » puisque la gauche camoufle sa félonie et son ralliement au capital en accusant d’extrême droite ceux qui s’opposent réellement à la toute-puissance du capital. Mais nous n’en aurons cure.
Denis COLLIN
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